Plumes en herbe : sur le Spectacle « Au pays des… »

 

« Au pays des »

 

Il est tout d’abord dur de se mettre dans le bain de cette pièce écrite de manière un peu absurde, les dialogues se faisant écho, s’assemblant pour former les paroles à retenir, les éléments essentiels de Au pays des. Puis, on se laisse prendre dans les filets de ce récit sous tension, empli d’un humour trash, noir, mais au fond porteur d’une réalité que nous connaissons tous : l’exclusion.

Ici, il s’agit de l’isolement d’un homme, tout droit sorti des grandes écoles, une mentalité de « winner » nous dit-il. Mais par cette plongée intégrante dans le monde de l’entreprise, nous découvrons peu à peu l’hypocrisie acerbe de la nature humaine, le lent déclin d’un salarié, le jeu machiavélique de ses collègues, une exclusion organisée point par point comme un jeu horrible, hypocrite. Tout part d’une proposition qui n’est pas notée, suivie d’un « bonne année » passé sous silence. S’en suit la solitude à la cantine, le bureau supprimé, un poste placard, une rétrograde. La dépression. Une fin tragique. Une balle dans la tête, puis deux. Tout est fini.

La pièce, servie par six comédiens multifonctions, s’articule dans le désordre, mêle habilement vidéo et retours en arrière. La pression monte crescendo. La situation au premier abord ne se comprend pas. Puis on découvre tout, à la fin, on est choqués. Terrifiés. Une boule au ventre, des nœuds au cœur, des larmes au creux des yeux.

L’action se situe dans le cadre magique et merveilleux des parcs d’attraction. Mais peu à peu on saisit que les pétillements de joie dans les yeux des enfants dissimulent des horreurs quotidiennes, de l’autre côté de « la barrière ». Entre deux changements de costume il y a du sang sur les murs. Des sourires, des rires, une fête, puis des lames assassines lancées par des collègues à leurs compatriotes. Les protagonistes se battent pour conserver leur place, mais au fond on sait qu’ils seront les prochains sur la liste. Se pousser au bord du gouffre, mois pas mois, point par point, semble entre les murs de cette entreprise un quotidien basique.

L’exclusion. On l’a tous connu, de près ou de loin. Sur les bancs de l’école, entre les murs des bureaux, dans le cadre du travail ou encore au sein de notre cercle d’amis. On comprend que les petites hypocrisies que l’on se lance par-dessus l’épaule font toujours mal à quelqu’un, que ce n’est pas une question de force ou de faiblesse, qu’il y a des tyrans et des victimes partout. Dans cette pièce où se côtoient personnages de dessin animé et hauts fonctionnaires, les répliques acérées des bourreaux d’un jour nous choquent. Mais au fond… Est-ce si inhabituel ?

Justine Gardier.

 

Deux mondes parallèles, dans l’un des personnages joyeux et féeriques : Riri, Fifi et Loulou, Pocahontas, blanche neige, un lapin, buzz l’éclair et un lion. Et dans l’autre, le monde d’affaire sérieux et sans pitié composé de quatre personnes qui font partie de « la team ».Malgré autant de différences cette pièce rapproche ces deux systèmes de manière tragique :Un suicide. Comment rapprocher ces deux mondes ? D’abord on prend un cadre qui est dans « la team », on n’écoute plus ses propositions, on ne mange plus avec lui, on oublie son nom ensuite on lui enlève son bureau, son PC, son fauteuil, on le met en porte manteau, en paillasson et pour l’achever on lui dit « puisque tu as de bonnes idées pour la parade enfile un costume ». Humilié il se met le pistolet sur la tempe. Pièce qui pointe du doigt le monde cruel du travail avec justesse.

Aurore M.

 

Au début ils étaient quatre personnes dans une salle de réunion. Tous les mois, ils parlent d’une personne qui sert de moins en moins dans l’entreprise. Il a de moins en moins de matériel pour faire son travail. Il mange seul à la cantine, il n’a plus son ordinateur, son téléphone, il boit son café tous seul, on lui a enlevé sa chaise. Au final il sert de porte manteau et de tapis. Puis il quitte les bureaux et devient un personnage qui se déguise pour les enfants. Il ne supporte pas d’être devenu ainsi et se suicide. J’ai eu du mal à comprendre l’histoire au début avec les flash-back. Puis à la fin tout s’explique, mais je ne suis pas rentrée dans l’histoire.

Camille RICORDEL

 

Le spectacle commence sur l'image de quatre cadres de Disneyland en réunion, un semble moins sûr de lui que les autres. Peu à peu, on découvre la triste vérité, les humiliations et les dévalorisations faites à l'égard de ce quatrième cadre, sorte de vilain petit canard. En parallèle, on suit le quotidien de ceux qui font la parade. Ce quotidien est dérangé par le suicide d'un de leur collègue. Ce qui les dérange n'est pas tant le fait que leur propre collège soit mort mais que la robe de Blanche-Neige soit tâchée de sang, la laissant au chômage technique ainsi que ses sept compères, les nains.

Critique acerbe du monde de l'entreprise, "Au pays des" dénonce le traitement quasi inhumain que subissent de nombreux employés aujourd'hui. La diction rythmée du texte nous permet de bien l'entendre, de bien le comprendre. "Au pays des" nous amène à nous interroger, comment peut-on tolérer que des hommes et des femmes se donnent la mort à cause de leur travail ? Merci à ce spectacle d'avoir réveillé ce sentiment de révolte.

Eva

 

Deux mondes s’opposent. L’un merveilleux. Ses déguisements de canards et de princesses dignes de Disney, ses parades féeriques et sa volonté de distraire. L’autre, cruellement vrai. Des bureaucrates impitoyables qui décident de la destinée d’employés. Chacun semble être sur un siège éjectable. Nul n’est irremplaçable. A qui le tour ? Poussé à bout, entraîné dans une longue et vertigineuse descente aux enfers, l’employé de bureau estimé, est relégué au « bureau-placard », puis à un autre poste de l’autre côté de la « barrière »,  Affublé d’un déguisement de canard, il se tirera une balle dans la tête, puis une autre. Mais il faut émerveiller, faire rire, faire rêver coûte que coûte. Une Blanche-neige salie de sang, des nains au chômage technique, un suicide ? Peu importe, le spectacle doit continuer. L’auteur mêle sadisme, bonheur artificiel et féerie trompeuse accompagnés d’une touche d’humour grinçante comme soupape de décompression, afin de mieux supporter la dure réalité de cette machine à broyer qu’est le monde de l’entreprise.

Adeline

 

(Séjour CCAS "Jeunes critiques de théâtre" – Villeneuve lez Avignon)

 

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