La semaine en bleu de Dom Roy

Du 19 au 23 mars, l'auteur Dom Roy a été invité par la CMCAS de Bayonne à sillonner la région  à la rencontre des agents ; il nous livre ses impressions de cette semaine en bleu…

"Nous sommes le lundi 19 mars 2012, il est huit heures du matin, une nouvelle semaine débute. J’ai beau être loin de chez moi, je ne change pas mes habitudes, je branche mon téléphone portable pour le recharger : comme toujours, ça marche. Normal ! l’électricité est une ressource naturelle, on la trouve dans les prises, il suffit de se baisser. La suite de la semaine allait s’ingénier à me prouver combien j’étais loin du compte : L’électricité c’est avant tout des hommes.

Ce petit préambule un peu débile pour préciser qu’à force de voir ces lignes à haute  tension et ses fils qui parcourent nos villes et nos campagnes, le commun des mortels a oublié qu’il a fallu construire ce réseau et qu’il faut maintenant l’entretenir et continuer de le développer.  Comme beaucoup, je pensais que les employés de cette société que l’on n’appelle plus E.D.F. avaient trouvé le job en or, celui qui assure la sécurité de l’emploi et qui ne fatigue pas trop. Après une semaine passée à rencontrer des monteurs, je suis bien obligé de reconnaître que, là encore, je m’étais mis le doigt dans l’œil. Alors que je m’attendais juste à découvrir un métier dont j’ignorais tout, c’est une véritable culture qui m’est apparue. La culture du service public bien sûr, mais pas seulement.

En cinq jours, j’ai rencontré une douzaine de techniciens réseau, j’en ai suivi certains sur le terrain, j’ai discuté avec des responsables syndicaux, des épouses d’agents, des inactifs, j’ai visité des agences… Tous m’ont raconté leurs vécus à grands coups d’exemples ou d’anecdotes. Ils se sont tous livrés avec franchise et simplicité, parfois avec humour, mais toujours un peu étonné que quelqu’un de « l’extérieur » s’intéresse à leur cas et y voit matière à écrire une histoire. Deux grandes lignes directrices charpentent tous les propos que j’ai entendu, l’amour du travail bien fait et les problèmes liés aux réformes structurelles de l’entreprise.

J’ai vraiment été surpris par l’humilité de tous les monteurs  avec qui j’ai discuté.  Ils sont tellement imprégnés de convictions, qu’ils n’ont pas conscience de la noblesse de leur attitude : hors de questions de quitter un chantier si la panne n’est pas réparée, tant pis pour le déjeuner ou la soirée, le courant doit passer. Tous racontent le traumatisme que représente la coupure pour impayé et les stratagèmes qu’ils déploient pour éviter de pratiquer cet acte contre-nature. Quand on évoque les risques qu’ils encourent en travaillant, ils éludent presque la question, le danger n’est évoqué qu’en pointillé.

Assez vite, dans toutes les discussions, on sent le malaise engendré par la restructuration de l’entreprise. Les problèmes liés à la co-activité, mais aussi toutes les procédures inapplicables à appliquer pour travailler en toute sécurité. Tous l’affirment, «  si on applique strictement le processus, on n’a pas le temps de faire le boulot ! » Il apparaît vite que ces consignes sont autant de parapluies qui protègent la hiérarchie plutôt que les agents.

Tous sont déboussolés par la nouvelle politique de l’entreprise et la place de plus en plus grande faite à la rentabilité au détriment du service. Il est troublant d’observer la réticence des techniciens réseau à appliquer le droit de retrait qui est maintenant perçu comme un acte militant. 

Une autre chose qui  m’a frappé c’est de voir combien la culture de l’entreprise est ascendante au lieu d’être descendante. En général c’est la direction qui insuffle à la base les valeurs que défend l’entreprise, ici, c’est le contraire. Les agents ont cette culture tellement chevillée au corps qu’ils s’obstinent à aller travailler avec les vieux bleus plutôt que d’arborer les « nouvelles couleurs » d’ErDF.

Cette semaine fut riche en rencontres et en anecdotes comme cet inactif qui s’arrête au bord de la route parce qu’il a vu deux véhicules bleus garés à côté d’un transfo défectueux et qui demande s’il peut rendre service.

Plus qu’un métier, j’ai découvert un état d’esprit et une culture. Non vraiment, ça valait le coup de sillonner la région dans cette voiture improbable"

Tous ces témoignages serviront de matière pour l'élaboration d'une nouvelle sociale noire écrite par Dom Roy qui sera présentée à l'occasion de la fête de la CMCAS de Bayonne. Affaire à suivre !

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